Ce que je peux contrôler / ne pas contrôler…

Il est fréquent que nous dépensions de l’énergie contre des expériences qui ne dépendent pas de nous.

Il arrive que nous souffrions d’avoir les pensées que nous avons, les émotions et tensions que nous ressentions. La lutte contre ces expériences intérieures peut nous épuiser, nous faire souffrir davantage en ajoutant une dose de culpabilité… du fait de ne pas être capable d’y faire face…

Je ne peux pas contrôler le passé, le futur... Je peux contrôler les objectifs que je me donne, ce que je fais de mon temps libre, la manière dont je me parle...

Pourtant, nous ne sommes pas ces expériences qui nous traversent et la distinction émotionnelle de ces phénomènes de la personne que nous sommes est une clé de libération.

Cette « défusion cognitive et émotionnelle» est l’un des axes majeurs de la thérapie d’acceptation et d’engagement – ACT.

Elle passe par l’expérience et la répétition de l’expérience. La compréhension seule ne suffit pas au changement (ce qui peut expliquer l’échec de certaines thérapies si elles ne sont pas suivies d’actes). En thérapie d’ACT, l’approche est en ce sens pragmatique. Si l’explication psycho-éducative, y tient une place importante dans les séances que je propose dans ce cadre, il reste essentiel de remettre en pratique les exercices (de Mindfulness et de défusion) abordés lors des séances.

Cela peut, il est vrai, être une difficulté, et ne pas convenir à tous*, même si des supports écrits et audios sont donnés, mais les bénéfices qui en ressortent sont libérateurs et utiles pour toute la vie !

*Il arrive ainsi que des séances ne soient pas axées sur ces approches : je tente d’adapter la séance aux personnes et non adapter les personnes aux techniques

Pensées culpabilisantes post-traumatiques

 

« La honte et la culpabilité sont très fréquemment et très douloureusement ressenties par les personnes ayant survécu à un traumatisme. Voici une liste de pensées qui peuvent provoquer ou entretenir cette culpabilité. Ces raisonnements et croyances peuvent aussi bien être partagés par les victimes que par le reste de la population, alimenter le blâme, et contribuer au cercle vicieux de la revictimisation. » Igor THIRIEZ
Je savais que l’évènement allait se produire. Il y avait des signes avant-coureurs.

Biais rétrospectif

J’aurais dû faire mieux. Je ne sais pas quoi, mais quelque chose de mieux.

Pensée par obligation

Ce qui est arrivé est la conséquence de ce que j’ai fait (ou pas fait).

Biais égocentrique

Si j’avais agi différemment, ça se serait mieux passé et mieux terminé.

Raisonnement contrefactuel

Je pouvais empêcher que ça m’arrive.
Ca veut donc dire que je l’ai provoqué.

Illusion de contrôle

Au vu du résultat, je me suis comporté.e de la pire manière possible.

Biais de négativité

Je me sens coupable. Ca veut dire que je dois l’être, au moins un peu.

Raisonnement émotif

J’avais un mauvais pressentiment. J’aurais dû suivre mon intuition.

Biais de compétence

J’aurais dû mieux  choisir mon comportement sur le moment.

Réponse combat-fuite

Si j’ai ressenti de l’excitation, c’est que je désirais ce qui est arrivé.

Désir et excitation (réflexe) sont différents

Il est évident que ce n’est pas cette attitude que j’aurais dû adopter.

Biais des historiens

Je n’ai pas réagi, puis je n’ai rien dit après. Je n’ai fait que les mauvais choix.

 

PENSÉES CULPABILISANTES POST-TRAUMATIQUES

Source ; https://igorthiriez.com/portfolio/pensees-culpabilisantes-post-traumatiques/

Amour ou Attachement ?

Une vidéo très pédagogique et accessible sur ce sujet.

Distinction des quatre grands types d’attachement, présents en chacun avec une dominante qui peut expliquer les dépendances affectives et être source de souffrance :

1 – Sécure,

2 – Anxieux,

3 – Evitant

4 – Désorganisé

Cette théorie a été formalisée par le psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby (1907-90) après les travaux du pédiatre et psychanalyste américain D. Winnicott (1886-91), de l’éthologue autrichien K. Lorenz (1903-89) et du psychologue américain H. Harlow (1905-81).

Déterminez votre Facteur Obscur

Logos Universités

Logo Université

Un comportement douteux sur le plan éthique, moral, et social fait partie intégrante de la vie quotidienne. Les psychologues utilisent le terme générique « traits obscurs » pour caractériser les traits de personnalité liés à ces classes de comportements — principalement, Machiavélisme, Narcissime, et Psychopathie (parmi tant d’autres). Le Facteur Obscur de Personnalité, ou « Dark Factor » (D) en anglais, caractérise ce que tous les traits obscurs ont en commun, c’est-à-dire leur noyau commun.

Test gratuit : https://qst.darkfactor.org/

D est défini comme la tendance à maximiser son utilité individuelle — négliger, accepter, ou provoquer de manière malveillante la désutilité d’autrui —, accompagnée de croyances qui servent de justifications. En termes simples, les individus avec un score D élevé poursuivront leurs intérêts personnels de manière impitoyable, même (ou tout particulièrement) si cela affecte négativement les autres, tout en ayant des croyances qui justifient ces comportements.

Dans le test, vous pourrez déterminer votre niveau de D en répondant honnêtement à plusieurs affirmations. Selon la version choisie, cela prendra entre 3 et 15 minutes.

Test gratuit : https://qst.darkfactor.org/

Le Bonheur est caché dans le cerveau

 

«La route n’existe pas, il n’y a que les raisons du départ et du prochain voyage qui comptent»

« L’échec, c’est la 1ère étape de la réussite  » Fabien Olicard

« Chacun de nous a en soi des ressources puissantes pour avancer, rebondir et atteindre ses objectifs de vie.

Être heureux peut aussi s’apprendre ! Vous ne le saviez pas, mais les échecs ont fait partie intégrante du chemin de vie de Fabien Olicard et ne l’ont pourtant pas empêché de trouver ce qu’on appelle le  » bonheur « .
En effet, chacun de nous a en soi des ressources puissantes pour avancer, rebondir et atteindre ses objectifs de vie. Voici ce que Fabien Olicard vous propose dans son livre Le bonheur est caché dans un coin de votre cerveau :
– Commencez par décontaminer votre cerveau, et entrevoyez
alors une nouvelle réalité !
– Assouplissez vos pensées, transformez vos échecs en réussites.
– Découvrez les 10 cachettes de votre bonheur (dans le début de votre journée, dans la joie pour les autres, dans la communication bienveillante…).
Dans ce nouvel ouvrage, l’homme derrière l’artiste se confie sans fards pour mieux vous guider dans cette aventure.

En refermant ce livre, vous serez la même personne… mais en bien plus heureuse ! » (4e de couverture)

Les antisèches du bonheur | Jonathan Lehmann

Notre mental produit en moyenne 60 000 pensées par jour, la plupart négatives.

Dans ce talk Jonathan Lehmann expose les 3 habitudes qui permettent de transformer ce mental tyrannique en un outil magique de bonheur : 3 habitudes qui changent la vie : méditation, gratitude, « poubelles mentales »

Ancien avocat d’affaires à Wall Street et Paris, puis entrepreneur web en Californie, il anime aujourd’hui la communauté « Les Antisèches du Bonheur » sur Facebook (plus de 85 000 personnes) et propose des méditations guidées sur YouTube. Il est passionné par les petites choses que l’on peut faire pour avoir un grand impact sur son bonheur au quotidien.

Je vous recommande l’ouvrage consacré :

  • LEHMANN Jonathan, 2020, Les antisèches du Bonheur, éditions Harper (extrait de la page https://gautierpascal.fr/bibliographie/

Comment arrêter de vous saboter

3 stratégies pour reconnaître et rediriger les comportements d’auto-sabotage.

Steven Hayes

Traduction libre et partielle (avec quelques indications supplémentaires) de l’article original de Steven C. Hayes Ph.D., co-fondateur de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement – ACT – que nous proposons.
Publié le 4 avril 2022| sur https://www.psychologytoday.com/us/blog/get-out-your-mind/202204/how-stop-sabotaging-yourself

POINTS CLÉS

  • Nous nous sabotons souvent pour changer notre façon de penser et de ressentir.
  • C’est normal et naturel, mais cela peut créer des problèmes lorsque cela devient une habitude.
  • Vous pouvez utiliser un processus simple en trois étapes pour arrêter l’auto-sabotage sur le moment.
  • L’Organisation Mondiale de la Santé a un protocole d’auto-assistance avec plus d’outils et de techniques

Pourquoi fustigeons-nous notre partenaire alors que nous voulons être gentils et attentionnés ? Pourquoi nous isolons-nous, alors que nous nous sentons déjà seuls et que nous avons soif de connexion ? Pourquoi buvons-nous de l’alcool, fumons-nous du tabac et cédons-nous à d’autres vices alors que cela nuit à notre santé ? Et pourquoi savons-nous toutes ces choses, et pourtant continuons-nous à les faire quand même ?

La réalité est que nous nous dressons souvent sur notre propre chemin, sabotant nos efforts pour créer une vie meilleure. (…)

Mais nous ne faisons pas ces choses parce que nous sommes mauvais ou parce que nous « ne pouvons rien faire de bien ». Au lieu de cela, nous le faisons pour une raison plus banale : nous voulons changer notre façon de penser et de ressentir. Même modestement. Même si ce n’est que pour un instant. Afin de nous sentir mieux, nous renonçons souvent à nos autres plans et intentions, nous privilégions le court terme au long terme. (…)

Malgré ce que l’on peut penser, ce n’est pas une faute de caractère. Nous le faisons tous sous une forme ou une autre, surtout lorsque nous ne nous sentons pas bien. C’est normal et naturel. Certaines personnes peuvent échapper au sentiment de ne pas être à la hauteur en passant des heures sur les réseaux sociaux. Et d’autres personnes peuvent être aux prises avec une expérience traumatisante et chercher un soulagement grâce à des aliments réconfortants. Les façons dont nous essayons de contrôler nos pensées et nos sentiments difficiles sont multiples.

Malheureusement, choisir des remèdes à court terme plutôt que des intentions à long terme a des conséquences. Et plus nous choisissons souvent cette voie, plus les conséquences deviennent marquées. (…)

Si vous regardez attentivement, vous trouverez probablement des moyens par lesquels vous essayez de contrôler inutilement vos pensées et vos sentiments [ou de les éviter]. Vous pouvez le faire en vous distrayant ou en évitant certaines personnes, certains lieux et certaines situations. Vous pouvez le faire en essayant de vous en sortir par la pensée ; vous disputer avec vous-même ou n’autoriser que des pensées «positives». Ou vous pouvez le faire à travers un large éventail de «plaisirs coupables».

Mais quelle que soit la stratégie que vous choisissez, tôt ou tard, les pensées et les sentiments difficiles reviennent, souvent plus forts qu’avant. Ainsi, au lieu de les repousser, nous devons utiliser une approche différente. Cette nouvelle approche peut sembler contre-intuitive et nécessite plus de pratique. Mais cela met également fin à la lutte et vous permet de faire plus de ce qui compte pour vous.

Étape 1 : Repérage

La première étape consiste à remarquer vos pensées et vos sentiments difficiles. Nous les ignorons souvent quand nous devenons accros à nos expériences et ne réalisons qu’après coup que nous avons recouru à nos anciennes habitudes. La première étape pour briser ce cycle consiste à remarquer quand cela se produit, comme cela se produit.

Étape 2 : Nommer

La deuxième étape consiste à nommer votre expérience. [Cette étape d’auto-validation est essentielle. Elle peut se faire à voix haute ou mentalement, une ou plus volontiers plusieurs fois successives : l’émotion reconnue tend à moins… insister].

« Il y a de l’ anxiété . » « J’ai une sensation d’oppression dans l’estomac. » « Il y a l’inquiétude que rien de ce que je fais n’ait d’importance. »

Le simple fait de nommer votre expérience [la valide et] crée une distance. Cela vous donne une perspective différente.

Vous pouvez même essayer d’ajouter « Je remarque… » [ou « Je vois que… »] au début de la phrase. Par exemple : « Je remarque que je suis anxieux. » « Je remarque qu’il y a une tension. »

[Il est intéressant d’ajouter des étapes d’auto-compassion : « Je vois que je suis (émotion). Je comprends que je sois (émotion). Et c’est OK de ressentir cela ! » « Je comprends… C’est OK… » dans le sens que c’est ce que ressent les êtres humains, contrairement aux robots.]

Étape 3 : Recentrer

La troisième étape consiste à vous recentrer sur ce qui compte pour vous. Même si vous ressentez des pensées et des sentiments inconfortables, il y a toujours des choses qui vous tiennent à cœur. Il est maintenant temps de les mettre en valeur. Même s’il y a des pensées et des sentiments durs, vous pouvez choisir d’agir sur ce qui compte en vous recentrant sur les choses qui vous tiennent à cœur.

Chaque fois que vous remarquez que des pensées et des sentiments difficiles vous ont accroché, vous pouvez suivre ces trois étapes. Et comme toute compétence, chaque fois que vous pratiquez, vous vous améliorez. Ces étapes ont été essayées et testées et se sont avérées efficaces pour faire face à de nombreux types de crises personnelles, grandes et petites.

Si vous voulez en savoir plus sur l’efficacité de cette technique, ainsi que sur d’autres outils et techniques pour faire face au stress de toute nature, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié un merveilleux protocole d’auto-assistance qui a été testé avec des réfugiés de guerre. Je parcoure une version miniature de ce qu’elle contient dans cette série en cinq parties (c’est la partie 2 sur 5). Je le fais en partie parce que la guerre actuelle en Ukraine nous met tous au défi, en particulier ceux qui sont dans la ligne de mire.

Si « notifier, nommer, recentrer » est utile même pour les réfugiés de guerre, cela peut être utile à ceux d’entre nous qui attendent, prient et aident à distance.

Vous pouvez accéder au programme de l’OMS en cliquant ici . Notez que le livre et les cassettes sont disponibles gratuitement sur ce site en anglais, ukrainien, russe et dans de nombreuses autres langues. Portez-vous bien et envisagez de partager cette ressource avec d’autres personnes dans le besoin.

Cartes corporelles des émotions

Source : article pour PNAS (2013) de Lauri Nummenmaa, Enrico Glereana, Riitta Harib, etJari K. Hietanen 

Résumé (extrait de l’article) :

Les émotions sont souvent ressenties dans le corps et une rétroaction somatosensorielle a été proposée pour déclencher des expériences émotionnelles conscientes. Nous révélons ici des cartes de sensations corporelles associées à différentes émotions à l’aide d’une méthode d’auto-évaluation topographique unique.

Dans cinq expériences, les participants (n = 701) ont vu deux silhouettes de corps accompagnées de mots émotionnels, d’histoires, de films ou d’expressions faciales. On leur a demandé de colorier les régions corporelles dont ils sentaient l’activité augmenter ou diminuer en regardant chaque stimulus.

Différentes émotions étaient systématiquement associées à des cartes de sensations corporelles statistiquement séparables à travers les expériences.

Ces cartes concordaient entre les échantillons d’Europe de l’Ouest et d’Asie de l’Est. Les classificateurs statistiques ont distingué avec précision les cartes d’activation spécifiques aux émotions, confirmant l’indépendance des topographies entre les émotions.

www.gautierpascal.fr-carte-emotions

Nous proposons que les émotions soient représentées dans le système somatosensoriel comme des cartes somatotopiques catégorielles culturellement universelles.

La perception de ces changements corporels déclenchés par les émotions peut jouer un rôle clé dans la génération d’émotions ressenties consciemment.

La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement – ACT – est une approche validée scientifiquement pour changer notre rapport aux émotions.

Vous pouvez consulter différentes pages de ce site pour en savoir plus…

Discours intérieur…

D’où vient notre petite voix intérieure ?

Elle nous parle quand on prépare le repas, quand on passe un entretien d’embauche ou lorsque, fatigué, on se demande si l’on ne peut pas annuler une soirée prévue depuis longtemps.

Elle, c’est cette petite voix intérieure qui nous accompagne au quotidien pour nous encourager, nous consoler, nous aider à prendre des décisions.

homme assis mains sur tête

La recherche a longtemps eu du mal à l’analyser. Pas simple de décrypter un discours intérieur, par essence privé.

Pendant des décennies, Russell Hurlburt, psychologue à l’université du Nevada, à Las Vegas, a équipé des volontaires d’un bipeur sonnant au hasard. Lorsque les participants l’entendaient, ils notaient le fil de leurs pensées dans les secondes précédentes.

« Selon ces travaux, on se parle à soi-même en silence 23 % du temps éveillé », explique Charles Fernyhough, professeur de psychologie au Royaume-Uni et auteur du Dialogue intérieur (éd. Albin Michel, 2021). Une moyenne qui cache de grandes disparités : ce taux peut atteindre 94 %, alors que certains ne soliloquent presque jamais. Si la pensée passe le plus souvent par le langage, donc la voix intérieure, elle peut aussi s’appuyer sur des images.

Dans sa tête, on peut prendre un accent ou imiter une voix

Cette petite voix ne se manifeste pas toujours de la même façon.

Chez certains, elle commente les faits et gestes, chez d’autres elle peut emprunter le timbre de proches ou même de personnes célèbres. Ces bavardages dépendent aussi des cultures. Dans une étude menée à l’université Stanford en 2002, des volontaires devaient résoudre un problème mathématique, en commentant à voix haute leur raisonnement.

« Or les Américains d’origine asiatique, sans doute pas habitués à verbaliser la tâche, étaient moins performants que les autres Américains. Cette étape supplémentaire les freinait », souligne Hélène Loevenbruck, chargée de recherche CNRS au laboratoire Psychologie et neurocognition de l’université Grenoble III (Isère). « Nous ne savons pas exactement pourquoi, peut-être parce que dans les cultures occidentales le langage revêt une grande importance. »

Si les expériences mentales diffèrent, les chercheurs ont déterminé des traits communs.

« Il existe deux sortes de langage intérieur, explique Hélène Loevenbruck.

L’un est délibéré, par exemple “il faut que j’aille faire mes courses” ;

l’autre est plus spontané : il s’agit d’un vagabondage mental qui survient à tout moment, quand on travaille, se promène, écoute une conférence… »

Le discours intérieur, plus condensé que le langage parlé, se contente parfois de simples bribes ou de mots tronqués. Pourquoi se donner la peine de faire des phrases complètes alors que cette parole ne s’adresse qu’à nous ? Ainsi « je dois aller chercher le pain » devient « le pain ».

Selon les mesures du psychologue Rodney Korba, le débit atteint 4 000 mots par minute (contre 200 lors d’une conversation à voix haute).

Cette parole intérieure a toutes les apparences d’un langage parlé.

« Les recherches en imagerie montrent que pendant que nous lisons un texte en silence, les aires auditives du cerveau s’activent : nous entendons bien cette voix dans notre tête », souligne Hélène Loevenbruck. Dans notre discours intérieur, nous pouvons prendre un accent, donner des intonations et même faire des lapsus. Essayez de répéter intérieurement « Il fait si chaud chez ce cher Serge. » Comme à voix haute, votre langue risque de fourcher, signe d’une pensée verbalisée.

Plus étonnant encore, les chercheurs du laboratoire de Grenoble ont placé des capteurs électromiographiques près de la bouche de volontaires et ont mesuré les mouvements des muscles oro-faciaux : c’est presque imperceptible, mais nos lèvres bougent pendant nos conciliabules intérieurs. À tel point qu’en cas de ruminations, la relaxation de cette zone permet d’affaiblir leurs effets (sans pour autant agir sur leur cause) !

Que peut bien nous apporter ce moulin à paroles mental, qui s’installe très tôt ?

Les bébés développent une pensée verbalisée dès l’âge de 21 mois, avant même de parler ! « Ensuite, les enfants pensent souvent à voix haute, pendant qu’ils jouent, puis intègrent vers 7 ans les inhibitions sociales liées au fait de parler tout seul », souligne Hélène Loevenbruck. Comme l’a montré le psychologue biélorusse Lev Vygotski, les conversations avec les parents alimentent les discours à voix haute des bambins. Les enfants intègrent ces dialogues dans un discours privé puis silencieux, afin de parfaire leur langage et de réguler leurs émotions. « Les enfants élevés dans des familles aux habitudes de communication fécondes développent plus tôt cette composante de discours intérieur », commente le psychologue américain Ethan Kross dans À l’écoute de ma voix (éd. Kero, 2021).

En cas d’acte peu moral, ce discours nous aide à nous justifier

À l’âge adulte, ce discours intérieur nous épaule pour préparer une conversation. Il soutient notre pensée, par exemple pour mémoriser un numéro de téléphone ou résoudre des problèmes. Il nous aide à nous évaluer quand nous visons un objectif (demander une augmentation au travail), en nous rappelant sans cesse notre progression. En nous poussant à procéder à des simulations mentales, ce remue-méninges nous fait gagner du temps : par exemple en affinant une présentation, nous explorons les différentes voies possibles, sans avoir à les formaliser. « Ce langage permet aussi de se forger une conscience de soi, ajoute Hélène Loevenbruck. On se raconte des choses sur nous-mêmes, nos souvenirs, nos projets, ce qui crée un fil rouge de l’existence. » Pour l’anthropologue et psychologue à l’institut de recherche Marcel-Mauss (EHESSCNRS) Victor Rosenthal, auteur de Quelqu’un à qui parler (éd. PUF, 2019), cette voix intérieure sert d’instance morale. « Face à une lâcheté ou à un acte peu moral que nous nous apprêtons à commettre ou que nous avons commis, elle nous aide à peser le pour et le contre mais aussi à nous trouver des excuses, à nous justifier à nos propres yeux : “Après tout cette personne l’a bien cherché !” »

Il arrive souvent que notre petite voix mette en scène des dialogues entre différents protagonistes. Or, selon les recherches de Charles Fernyhough, le dialogue ne mobilise pas les mêmes zones du cerveau que le monologue.

« Un dialogue fait appel aux zones classiques intervenant chez une personne en train de parler, mais aussi à celles impliquées dans la cognition sociale, c’est-à-dire celles qui aident à prendre en compte le point de vue des autres. » Une découverte qui met en lumière le rôle de ces dialogues dans nos relations avec l’entourage.

Quand un rugbyman s’encourage, il saute plus haut

« Allez, secoue-toi, tu vas y arriver ! » Nous nous sommes presque tous murmurés ce genre de phrase motivante avant de passer un entretien d’embauche, de réaliser un défi sportif ou de déclarer notre flamme… Des encouragements qui donneraient un coup de pouce pour se dépasser, notamment dans le sport.

Par exemple, dans une étude de 2008 menée à l’université de Worcester (Royaume-Uni), 24 joueurs de rugby devaient sauter le plus haut possible. Vingt secondes avant, ils se motivaient silencieusement (« je peux monter plus haut ! »), se donnaient des instructions (« Plie bien les jambes ! ») ou encore s’abstenaient de penser. Résultat, ceux qui s’auto-encourageaient sautaient plus haut. Mais ces exhortations sont à double tranchant. Ainsi, Ethan Kross a demandé à des volontaires de convaincre des experts qu’ils correspondaient au profil d’un poste prestigieux après une rapide préparation. Les uns se motivaient sur le mode « il faut que j’y arrive », les autres en utilisant le tutoiement ou leur prénom (« Julien, cela va bien se passer »). Or ceux n’utilisant pas le « je » s’en sortaient mieux et ressassaient moins après coup… « En évitant la première personne du singulier, ils établissaient une distance leur permettant de mieux affronter les émotions comme le trac », souligne Charles Fernyhough dans son livre.

Attention à ne pas ruminer, sous peine de déprimer

Fatigue

Si nos petites voix sont le plus souvent des alliées, elles peuvent dériver en ruminations, voire en anxiété et dépression. La méditation ou des thérapies comportementales peuvent alors aider à prendre de la distance avec ces pensées ressassées, et à reprendre le contrôle. Enfin, certaines personnes entendent des voix qu’elles perçoivent comme extérieures. Comment l’expliquer ? « Quand voulez prononcer le son “i”, le cerveau envoie une commande motrice pour que la langue et les lèvres se positionnent, explique Hélène Loevenbruck. Il met aussi en place un système de prédiction afin de s’assurer que le son émis sera conforme au son planifié. En plus de rendre notre parole fluide, ce système permet de savoir que nous sommes bien celui ou celle en train de parler. Lorsque l’on veut dire “i” dans sa tête, on déroule le même mécanisme, sauf que l’exécution motrice est inhibée. La sensation de voix résulte du simulateur interne qui génère un son prédit. Les signaux prédits et planifiés correspondent et l’on sait que le “i” que l’on entend dans notre tête a bien été produit par nous-même. Mais parfois ce système dysfonctionne, les signaux prédits et planifiés sont désynchronisés et les voix paraissent venir d’ailleurs. » C’est un symptôme courant de la schizophrénie, mais ces hallucinations touchent aussi des personnes ne souffrant pas de troubles psychiques.

Les entendeurs de voix ont longtemps lutté contre elles. Désormais, ils tentent d’apprendre à vivre en harmonie avec elles. Car, qu’elles soient uniques ou multiples, les voix intérieures sont partie intégrante de nous.

C’est l’une des compétences développées en Thérapie d’Acceptation et d’Engagement –  ACT – que nous vous proposons.

Test : comment vous parlez-vous?

Ces exercices proposés par Hélène Loevenbruck aident à comprendre notre langage intérieur.

Essayez de retenir ces mots : mouchoir, musique, raisin, éléphant. Cachez cette liste et demandez-vous : pour essayer de mémoriser ces termes, les ai-je répétés en boucle ? Étaient-ils prononcés avec ma voix ? Ai-je utilisé des images ?

Dans votre tête, dites le son « o » en arrondissant la bouche comme si vous alliez le prononcer. Puis pensez à un « m » : vous constaterez que vos lèvres se resserrent légèrement, ce qui montre bien que cette pensée verbalisée fait appel aux muscles.

Est-ce que vous pouvez parler dans votre tête en prenant la voix d’une personne que vous connaissez ou celle d’une célébrité (Fabrice Luchini ou le personnage Homer Simpson…) ?

Vous entendez des voix ? Vous n’êtes pas fou !

Entre 3 et 5 % de la population, sans trouble psychologique, entend des voix. Des voix rassurantes de proches, d’inconnus, de célébrités mais aussi des voix malveillantes, insultantes… D’après le psychologue Stéphane Raffard, qui a fondé la Clinique des voix à Montpellier (Hérault), ces personnes entendent 50 % de voix positives, 50 % de négatives (contre 90 % de négatives chez les schizophrènes). Ces hallucinations acoustico-verbales (HAV) apparaissent souvent après un traumatisme (agression, deuil…). Dans les cas les plus graves, les patients sont souvent traités avec des antipsychotiques. Dans des cas moins problématiques mais qui génèrent de la détresse, les entendeurs peuvent, grâce à des thérapies comportementales, les apprivoiser et prendre de la distance avec les plus toxiques.

Source : Caroline Péneau, pour le magazine Ca m’intéresse

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